Titan Saturn System Mission (TSSM)

La mission TSSM propose un retour dans le système de Saturne pour étudier en particulier les satellites Titan et Encelade. Titan sera exploré par trois éléments : un orbiteur et deux éléments in situ : un ballon qui fera le tour de l’équateur et une sonde qui se posera sur un lac.

Objectifs scientifiques

La mission TSSM (Titan & Saturn System Mission) étudiera Titan grâce à un orbiteur et des analyses in situ, mais aussi explorera Encelade et la magnétosphère de Saturne. TSSM explorera Titan en tant que système, en couplant les études sur la haute atmosphère, les interactions avec la magnétosphère, l’atmosphère neutre, la surface, l’intérieur, ainsi que son potentiel astrobiologique.

La conception de TSSM repose sur l’héritage Cassini-Huygens, mais va bien au-delà de cette mission pionnière dans l’étude de Titan et d’Encelade. TSSM permettra d’obtenir une couverture globale et à haute résolution de la surface de Titan, ainsi qu’une importante couverture in situ, et de nombreux survols de la lune Encelade.

Ses objectifs principaux sont :

  • Explorer Titan : un analogue de la Terre – Comment fonctionne ce système qui met en jeu des mécanismes complexes aux frontières entre la géologie, l’hydrologie, la météorologie, et l’aéronomie ? Et comment expliquer analogies et différences entre Titan et les autres corps du système solaire dans ce contexte ?
  • Etudier les composés organiques de Titan – une étape vers les molécules pré-biologiques. Quelle est la complexité de la chimie organique dans l’atmosphère, dans les lacs, à la surface ou dans l’hypothétique océan de l’intérieur ? Quelles sont les différences entre cette chimie de Titan et celle des matériaux abiotiques [1] connus dans les météorites, et quelles sont les implications sur notre compréhension des origines de la vie ?
  • Etudier de la façon la plus exhaustive possible Encelade (qui possède un volcanisme géothermique) avec échantillonnage et analyse in situ des panaches, et la magnétosphère de Saturne en relation avec Titan.

Description du projet

Le concept de la mission est basé sur un orbiteur de 1600 kg (NASA) qui inclut des éléments de surface (ESA) : une sonde de 180 kg, et une montgolfière de 600 kg. La mission serait lancée par une fusée Atlas 551 dans le créneau 2023-2025 et atteindra Saturne environ 8,5 ans plus tard dans l’étude actuelle. Le vaisseau resterait en orbite autour de Saturne durant environ deux ans avant son insertion autour de Titan. C’est durant cette phase que seront réalisées les études de la magnétosphère de Saturne et d’Encelade. Quelques mois avant le premier survol de Titan, l’orbiteur serait largué pour se déployer au-dessus des régions méridionales au moment du premier survol. La sonde serait relâchée quelques semaines avant le second survol de Titan sur la deuxième orbite.

Le vaisseau spatial arrive vers Titan en 2029
Credits : JPL/NASA/ESA

Après les études globales du système de Saturne, la mission se placerait sur une orbite circulaire quasi polaire (85°) autour de Titan, à 1500 kilomètres d’altitude qui permettra les études suivantes :

  • Cartographie de la surface avec une résolution de 50 m dans la fenêtre à 5 microns
  • Détermination de la topographie par radar
  • Exploration de l’intérieur (caractérisation des couches, recherche d’aquifères, …).
  • Analyse des molécules organiques à fort poids moléculaire
  • Exploration de tous les niveaux de l’atmosphère
  • Quantification des interactions entre la magnétosphère de Saturne et Titan
  • Le ballon se déplacera quant à lui à une altitude de croisière d’environ 10 km.

Les instruments embarqués sur cette montgolfière permettront d’obtenir :

  • des images très haute résolution
  • des mesures de la composition de la surface
  • des informations sur la lithologie par télédétection
  • des analyses chimiques des aérosols
  • la détection de champs magnétiques induits ou intrinsèques
La montgolfière (ballon) de TSSM survole l’équateur de Titan
Crédits LESIA

La sonde se déposerait sur une mer, flottera quelques jours, et réaliserait des analyses chimique et physique du liquide (qui inclut de nombreuses espèces organiques dissoutes). Durant la descente, la sonde fournirait le premier profil in situ de l’atmosphère de l’hémisphère Nord dans les conditions hivernales, ce qui devrait être fondamentalement différent du profil équatorial où Huygens descendit et où arriva le ballon.

La sonde de TSSM descend vers la surface liquide de Titan
Crédits LESIA

Finalement, la coordination entre les éléments in situ et l’orbiteur (radio science) apporterait des contraintes sur la réponse tidale de Titan [2], la rigidité et l’épaisseur de sa croûte.

Instrumentation proposée

Instrumentation sur la montgolfière
InstrumentDescriptionContributions scientifiques
BIS Spectromètre imageur sur la ballon (1–5.6 µm). Cartographie pour déduire la composition de la troposphère et de la surface à 2.5 m de résolution
VISTA-B Système d’imagerie dans le visible avec deux caméras stereos (à large et petit angles) Géomorphologie détaillée à 1 m de résolution
ASI/MET Instrument pour étudier la structure atmosphérique et la Météorologie Enregistrer les caractéristiques de l’atmosphère et déterminer la vitesse du vent dans la troposphère au-dessus de la région équatoriale
TEEP-B Etude de l’environnement électrique Mesures du champ électrique dans la troposphère (0-10 kHz) et déterminer le rapport avec la météo.
TRS > 150 MHz radar Détection des réservoirs d’hydrocarbures, profondeur de la croûte de glace et voir les motifs géologiques à une résolution stratigraphique de 10 m
TMCA 1-600 Da spectromètre de masse Analyse des aérosols et détermination des concentrations des gaz rares et du rapport éthane/méthane dans la troposphère
MAG Magnétomètre Séparer les sources internes et externes du champ et déterminer si Titan a un champ magnétiques intrinsèque ou induit.
MRST Science Radio utilisant le système telecom du vaisseau Suivi de la montgolfière
Instrumentation sur la sonde
InstrumentDescriptionContributions scientifiques
TLCA Analyseur chimique du liquide surfacique de Titan Mesures des organiques complexes et des rapports isotopiques des gaz rares jusqu’à 10,000 Da.
TiPI Imageur avec lampe Fournir des images du lac et des alentours
ASI/MET-TEEP Instrument pour étudier la structure atmosphérique et la Météorologie et des mesures électriques Caractériser l’atmosphère pendant la descente et depuis le lac
SPP Propriétés de la surface Caractériser les propriétés physiques du liquide, la profondeur du lac et le signal magnétique sur le site d’atterrissage.
LRST Science Radio utilisant le système telecom du vaisseau Suivi de la sonde

Participation du LESIA envisagée dans l’instrumentation

Le LESIA pourrait être impliqué dans 4 propositions de concepts d’instruments de cette mission :

a) Sur l’orbiteur :

  • le spectromètre thermique (TIRS)
  • le spectromètre sub-millimétrique (SMS)

b) Sur le ballon et les sondes :

  • l’instrumentation visible et infrarouge-proche (VISTA-B, BIS, TiPI)
  • l’Atmospheric Structure Instrument (ASI/MET)

Programmatique (coopération, date lancement,…)

Au bout d’un an d’études par la NASA et l’ESA, TSSM a été classé 2ème par ordre de priorité de lancement par les agences spatiales en février 2009. Ceci signifie que cette mission sera la prochaine large mission (type Flagship) vers le système solaire externe après l’envol de EJSM (Europa Jupiter System Mission), prévue en 2020. Le lancement de TSSM est donc prévu en 2025 pour une arrivée entre 7 et 9 ans plus tard dans le système de Saturne.

Un meeting international récent sur les résultats de la mission Cassini-Huygens et commémorant le 5ème anniversaire de la descente de Huygens dans Titan (voir ce que le LESIA a contribué sur les instruments tels que DISR), a mis en avant tout l’intérêt de cette future exploration de Titan par différents concepts (incluant tout ce qui est prévu dans TSSM, ainsi aussi un avion ou un lander indépendants…) et les résultats récents de l’étude Decadal Survey menée par la communauté scientifique placent Titan sur le plus haut niveau d’intérêt pour une mission future.

Contexte de Réalisation

Coopération ESA-NASA, plus de 200 scientifiques et ingénieurs de par le monde sont impliqués dans la phase d’étude actuelle. Le CNES (division ballons) étudie actuellement, en étroite collaboration avec le JPL, la montgolfière. Cette mission implique près de 40 membres de plusieurs laboratoires Français. Le Lead European Scientist (A. Coustenis) est du LESIA. Deux membres du premier JSDT (Joint Science Definition Team) sont français (F. Raulin, G. Tobie).

Compétences techniques (héritage)

Cassini-Huygens, ExoMars, EJSM + héritage CNES sur les ballons.

Enjeux

Impact pour la communauté (avancée scientifique)

La mission TSSM, de par la nature complexe et unique de Titan, implique les communautés de géologie, météorologie, chimie, astrobiologie, planétologie comparée, géophysique, physique spatiale, hydrologie, … Comparée à Cassini, le retour scientifique de la mission TSSM est estimé à deux ou trois ordres de grandeur au-dessus (instrumentation plus performante et plus abondante, focalisation de la mission sur les objets les plus riches du système de Saturne).
TSSM, qui resterait environ 20 mois en orbite basse autour de Titan, et réaliserait des explorations in situ sur cette période, et fournirait :

  • une étude de la dynamique de la ionosphère où s’initie la chimie organique complexe,
  • l’observation des variations saisonnières dans l’atmosphère,
  • une couverture globale haute résolution de la surface par radar (altimétrie), et caméras visible et IR proche.

L’atmosphère dense et la faible gravité de Titan permettent le déploiement d’éléments dédiés aux études in situ en utilisant des parachutes. TSSM fournira donc de très nombreuses contraintes sur la nature des molécules organiques de la basse atmosphère et en surface, mais aussi donnera les premières contraintes sur la nature de l’intérieur et la structure superficielle.
Lorsque TSSM arrivera puis naviguera dans le système de Saturne, la magnétosphère de Saturne et son impact sur Titan seront étudiés. De plus, il sera possible de passer au travers des plumes d’Encelade et d’étudier leurs caractéristiques.

Innovation technologique

1er ballon dans Titan ; 1er atterrissage dans un lac non-terrestre.

Intérêt du cas scientifique

TSSM verra le déploiement d’un ballon qui tournera autour de l’équateur et d’une sonde qui se posera sur un lac aux confins du système solaire, ce qui constitue de véritables défis technologiques. D’autres études technologiques sont aussi requises sur les points suivants :

  • Amélioration des technologies EDL Entry, Descend, Landing (Huygens)
  • Aérocapture
  • Développements technologiques pour le ballon et la sonde.
  • Communications DtE (Direct to Earth)
  • Générateurs RTG (Générateur Thermoélectrique à Radioisotope) pour ballons : développement du matériel (concept 2 couches), test de largage et déploiement du ballon.
  • Propulsion électrique solaire
  • Design des trajectoires pour les sondes/landers sur Titan et Encelade.
  • Autonomie en vol : Sélection des données, compression et stockage, C&DH et systèmes Telecom

Actions d’accompagnement, de coordination nationale et internationale

Coordination entre l’ESA, la NASA, le JPL et le CNES.

Liens utiles


[1la vie n’est pas à l’origine de ces matériaux

[2la réaction de Titan aux phénomènes de marée