L’observation du Soleil
Comment découvrir les taches solaires et les protubérances

18 June 2009 Par Régis Le Cocguen

Observer le Soleil est une activité de loisir passionnante. Son aspect change de jour en jour selon son activité magnétique. Une simple petite lunette permet déjà de suivre le développement des taches solaires et avec un petit instrument spécialisé, on peut observer les magnifiques protubérances sur le limbe du disque, comme Bernard Lyot après avoir inventé le coronographe. Les progrès de l’imagerie numérique rendent aujourd’hui accessible la prise de clichés réservée naguère aux observatoires les mieux équipés.

Observation en lumière blanche

Lunettes et télescopes

Pour observer des détails sur le Soleil, il faut utiliser un instrument. Il en existe deux types, Le télescope réfracteur (ou lunette astronomique) et le télescope réflecteur..

L’instrument est toujours composé d’un objectif, caractérisé par son diamètre, qui fait converger la lumière en un point appelé foyer. Ce foyer définit le plan-image. La distance entre l’objectif et le plan-image est la distance focale. De par les lois de la diffraction, la résolution d’un télescope dépend du diamètre de son objectif et de sa focale. A focale constante, plus le diamètre de l’objectif est grand, plus l’instrument peut résoudre de fins détails. Un objectif de 12 cm peut résoudre en théorie un détail de une seconde d’arc.

Le Soleil mesure 32 minutes de diamètre en moyenne. Une seconde d’arc représente 720 km sur le Soleil. C’est la taille d’un granule.

La lunette astronomique utilise les lois de la réfraction. La lumière doit traverser un objectif composé de deux ou trois lentilles. Cet objectif doit être achromatique, c’est à dire que les différentes longueurs d’onde convergent dans le même plan image. Dans la pratique, une lunette n’est jamais parfaitement achromatique mais l’aberration est négligeable dans les petits diamètres.

Le télescope est basé sur l’utilisation de miroirs.

Pour les petites dimensions, jusqu’à 10cm, on préfèrera toujours la lunette dépourvue d’obstruction centrale. L’usage d’un télescope est intéressant à partir de 15 cm.

L’oculaire du télescope est une petite loupe composée de plusieurs lentilles. Sa focale détermine le grossissement de l’instrument. Si F est la focale de l’objectif et f celle de l’oculaire, le grossissement est F/f.

Notions élémentaires sur la turbulence atmosphérique

Entre le Soleil et nous, il y a notre atmosphère.
Les différentes circulations atmosphériques provoquent un incessant bouillonnement des images, c’est la turbulence. Les effets peuvent être dévastateurs dans certains cas. On se rend compte de ces effets en regardant une route goudronnée un jour d’été. On voit la route qui semble danser. Un effet analogue trouble les images télescopiques. Une image subit des mouvements dans les trois dimensions. Elle se déplace de haut en bas, de droite à gauche et semble devenir plus ou moins floue. Si on réduit de plus en plus le diamètre de l’objectif, on constate qu’en deçà d‘une limite inférieure, l’image est parfaitement stable. Cette limite s’appelle le paramètre de Fried. Ce paramètre vaut environ 3 cm sur les pelouses de Meudon, 7 cm en haut de la tour solaire et 20 cm dans les meilleurs sites comme le Pic du Midi. Dans la pratique, on peut utiliser un instrument dont le diamètre n’excède pas trois fois ce paramètre. Au delà de cette valeur, l’image sera fortement dégradée. Cette notion est très importante car elle va définir l’instrumentation d’un observatoire solaire.

Dans les établissements professionnels on utilise généralement des lunettes de 13cm pour la surveillance du Soleil entier. Ce diamètre permet de résoudre la seconde de degré qui est considéré comme une limite dans un site de plaine. La plus grande lunette solaire sur le sol français est celle de 50cm du Pic du Midi. C’est avec cet instrument qu’ont été réalisées les premières images à haute définition de la granulation photosphérique. Le plus grand instrument actuel est la tour suédoise sur l’île de La Palma aux Canaries, avec un diamètre de un mètre.

Les dangers de l’observation du Soleil

Observer le Soleil présente un danger si on ne respecte pas des règles de sécurité strictes. Le flux intense de la lumière solaire dans le visible mais surtout dans l’infrarouge risque de provoquer des lésions oculaires irréversibles. Notre rétine est insensible à la douleur, mais elle est très fragile. Une brûlure rétinienne est indolore, mais irréversible. Il faut donc filtrer la lumière à l’entrée de l’instrument, ou bien projeter l’image du Soleil sur un écran. Pour observer une éclipse partielle, on utilisera des lunettes agréées, ou un écran à verre de soudure de grade 14 qui ne laisse passer que 1/100000ème de la lumière. Ces filtres doivent être parfaitement opaques aux IR et aux UV.

L’observation de la photosphère

La photosphère est une couche de l’atmosphère du Soleil épaisse d’environ 300km. C’est elle qui nous envoie la lumière blanche naturelle. On y observe les taches et la granulation.
La méthode la plus simple pour observer les taches solaires consiste à projeter l’image du Soleil sur un écran blanc.

Observation par projection

Solarscope
Petit appareil simple et peu onéreux permettant de montrer les taches solaires par projection. Crédit Société Solarscope

Pour un examen rapide en groupe ou au sein d’une classe, on utilisera un appareil très simple appelé "Solarscope". Cet appareil, commercialisé dans les magasins spécialisés pour environ 60 €, donne une image correcte mais ne permet pas de faire des mesures précises.
Pour faire une observation plus fine, il faut équiper une lunette astronomique d’un dispositif de projection. Il est fortement déconseillé d’utiliser un télescope à miroir. Le miroir primaire étant très ouvert, la lumière est fortement concentrée au niveau du miroir secondaire et le risque d’échauffement des pièces mécaniques est grand. On pourrait placer un diaphragme de quelques centimètres pour limiter cet échauffement. On choisira donc de préférence une lunette ayant une ouverture comprise entre 10 et 15. Une lunette de 6 cm de diamètre est suffisante pour ce travail car on ne recherche pas une grande résolution angulaire. On équipe la lunette d’un oculaire et on projette l’image sur un écran placé dans l’axe de la lunette. Il est important de placer en amont un écran percé qui laisse passer le faisceau, mais crée une ombre sur l’écran de projection. En réglant la distance entre l’oculaire et l’écran, on fait varier le diamètre apparent du Soleil. En donnant à celui-ci un diamètre de 140mm, on établit un rapport d’échelle de 1/1010 soit 1mm = 10000 km. Si la lunette est montée en équatorial, on coupe la motorisation pendant quelques minutes pour repérer sur l’écran le sens du défilement de l’image que l’on note au crayon. Cette indication est précieuse car elle permettra ensuite de superposer au dessin une grille indiquant les coordonnées solaires des taches. L’orientation du Soleil variant au cours de l’année, il faut donc rechercher la grille qui correspond au jour de l’observation. Ces grilles sont disponibles sur http://bass2000.obspm.fr. De nombreux observatoires professionnels observent chaque jour le soleil par projection sur un écran. Un observateur est chargé de dessiner les taches au crayon.

Observation visuelle

L’observation visuelle derrière un oculaire nécessite de filtrer considérablement la lumière solaire. Il existe plusieurs moyens que nous allons passer en revue.

L’hélioscope : C’est un dispositif très ancien qui était très employé au dix-neuvième siècle par les astronomes. L’hélioscope de Herschel est un renvoi coudé atténuateur. La lumière est réfléchie sur une lame prismatique à hauteur de 4% du flux. Les 96% sont rejetés hors du dispositif. Il faut encore atténuer le flux par un filtre que l’on place sur l’oculaire. Le filtre ne risque pas d’éclater contrairement aux petits filtres SUN que l’on trouve avec les appareils basiques du commerce et dont il faut impérativement bannir l’utilisation. Il existe aussi des dispositifs à double réflexion vitreuse dont l’hélioscope de Colzi qui n’est plus fabriqué de nos jours. L’hélioscope présente l’avantage d’être placé près du plan-image. La planéité de la face réfléchissante n’ayant pas besoin d’être parfaite. Son inconvénient majeur étant l’échauffement du tube de la lunette car la totalité du flux pénètre à l’intérieur. Cela risque de provoquer une très forte turbulence instrumentale.

Filtres en verre
Filtres en verre traité. Ils ne laissent passer que 0.001% de la lumière. Crédit Thousand Oaks Ltd.

Le filtre à pleine ouverture : On place devant l’objectif de la lunette ou du télescope un filtre qui possède le même diamètre que l’instrument et ne laisse passer que 1/100000 de la lumière. Ce filtre peut être en verre chromé ou en mylar. Les filtres en verre donnent une image jaune. Il sont parfaitement sécurisés mais leur qualité optique laisse à désirer. La lame de verre n’est pas polie optiquement ce qui a pour effet de dégrader considérablement la résolution de l’image. Ils sont intéressants pour les petits instruments. La firme Baader-planétarium, en Allemagne, produit une feuille de mylar baptisée Astrosolar qui est très fine et filtre parfaitement la lumière solaire sans dégrader l’image. On peut confectionner un filtre en plaçant un disque d’Astrosolar en sandwich entre deux rondelles de carton fort. Ces filtres sont optiquement parfaits, mais ils sont fragiles et fortement déconseillés pour une utilisation scolaire.

Pour l’observation visuelle, on prendra une lunette de 6 à 10 cm de diamètre. Pour utiliser un instrument plus grand, il faut bénéficier d’un site de très bonne qualité. Inutile de grossir beaucoup, une centaine de fois est amplement suffisant. En lumière blanche, on peut parfaitement observer de nombreux détails dans la pénombre des taches, les facules brillantes au bord du disque et même deviner la granulation. Pour améliorer le contraste de l’image, il est fortement conseillé d’utiliser un filtre coloré. C’est dans le vert, vers 520 nm que le contraste est le plus accusé. Un filtre interférentiel à 10 nm de bande passante est préférable, mais un simple verre teinté suffit. Le filtre permet de supprimer les inévitables défauts de chromatisme de l’objectif. Un instrument plus important de 15 à 20 cm de diamètre permet de réellement résoudre la granulation. Pour ce faire, il faut de bonnes conditions et les granules ne sont visibles que pendant de courts instants. Une telle observation n’est possible que quelques jours par an, de préférence par de belles matinées de printemps. Les journées anticycloniques d’hivers sont toujours très agitées, et l’été, la chaleur produit une forte turbulence dès le début de la matinée. Observer le Soleil est une école de patience.

Photographier la photosphère

Réaliser un bon cliché solaire est à la portée de tout astronome amateur patient et méticuleux.
C’est Jules Janssen qui a établi les bases de la photo solaire en donnant les critères à respecter. Ces critères sont toujours les mêmes depuis 1880.

  • Très bonne optique
  • Temps de pose le plus court possible
  • Image monochromatique

L’optique de la lunette ou du télescope doit être précise car on cherche toujours à atteindre la résolution théorique de l’objectif.
En réduisant le temps de pose, on arrive à figer la turbulence atmosphérique.

Les meilleures images de la granulation sont prises dans une bande moléculaire à 430.5nm. Selon le capteur dont on dispose, on choisira un filtre bleu ou vert.

Comme pour l’observation visuelle, il faut réduire le flux, mais en imagerie, l’atténuation est dix fois plus faible que pour le visuel pour réduire les temps de pose. On choisira donc un filtre pleine ouverture de densité 4 (1/10000). Il existe un Astrosolar de densité 3.8 qui est remarquable pour l’imagerie. Les dispositifs de type hélioscope sont beaucoup moins adaptés à la photo.

Appareil photo numérique : Les appareils photo numériques de type réflexe sont très intéressants pour l’imagerie du Soleil entier. Avec une lunette de 1.5m de focale, on a la totalité du disque sur le capteur. Malheureusement, la matrice de Bayer a un rendu très inégal selon la couleur. La qualité est nettement inférieure dans le bleu et le rouge que dans le vert (2 pixels verts pour 1 bleu et 1 rouge). Il est fortement conseillé d’utiliser un filtre vert. A Meudon, nous avons essayé de prendre des clichés de taches à haute résolution avec un appareil Nikon D100. Les résultats ont toujours été décevants.

La jonction d’un appareil photo au télescope ne pose aucun problème particulier. On trouve, dans le commerce, des adaptateurs qui permettent de mettre le boîtier au foyer ou bien d’augmenter la focale par une lentille divergente ou par projection oculaire. Ces raccords sont munis de filetages pour les filtres colorés.

Webcam : Le capteur CCD d’une webcam est comparable à celui d’un appareil numérique. Il est possible de faire un film en AVI puis de traiter ce film par un logiciel, comme Registax (logiciel gratuit) par exemple, qui prend chaque image individuellement, les recentre et les additionne. Le résultat n’est pas réellement satisfaisant. Il est souvent préférable de faire une rafale d’image et de sélectionner la meilleure.

Tache solaire
Exemple d’image réalisée avec une lunette d’amateur et une petite caméra noir et blanc. Crédit LESIA, Régis Le Cocguen.

Caméra noir et blanc : Depuis quelques années, des caméras noir et blanc sont disponibles dans les magasins spécialisés. Ces caméras sont équipées de capteurs cmos. Elles ont une bonne dynamique (8 ou 10 bit) et sont idéales pour l’imagerie de la photosphère. Il est vivement conseillé d’utiliser un filtre interférentiel et de réaliser des rafales de 10 à 20 images. Un filtre centré sur la bande moléculaire à 430.5nm permet d’avoir le plus haut contraste au niveau de la photosphère. Les poses sont de quelques millièmes de seconde ce qui a pour effet de figer les déplacements dus à la turbulence. En faisant une rafale, on a une série d’images plus ou moins nettes à cause des effets de la turbulence. On peut alors choisir la plus nette de la série. Pour ce type d’imagerie, il faut un collecteur adapté au site. Si la turbulence moyenne est faible, on pourra utiliser un petit télescope de 15 à 20 cm et résoudre régulièrement la granulation sur les clichés. Obtenir une très belle image, comme on en voit dans certains magazines d’astronomie, demande une longue expérience et de nombreuses heures d’observation. Les bonnes conditions sont rarement réunies.

Pour atteindre la résolution de l’instrument, il faut calculer l’échantillonnage sur le capteur selon le théorème de Shannon qui dit que la valeur angulaire du pouvoir séparateur de l’objectif doit couvrir deux pixels. Si on utilise un objectif de 12cm, le pouvoir séparateur est de 1 seconde de degré. Pour une caméra dont les pixels mesurent 6µm de côté, l’échantillonnage est donc de 0.5 seconde par pixel, valeur que l’on obtient avec une focale résultante de 2.4m.

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Observation monochromatique du Soleil

L’observation du spectre de la lumière solaire montre de très nombreuses raies d’absorption. La plupart de ces raies sont dues aux gaz de la photosphère. Pendant une éclipse totale, on voit pendant un bref instant apparaître des raies en émission. Certaines sont très brillantes, comme les raies H et K du calcium ainsi que la célèbre raie Hα de l’hydrogène. On sait aujourd’hui, grâce aux nombreux travaux sur la physique solaire, que ces raies sont produites dans la haute atmosphère du Soleil, la chromosphère.

L’observation du spectre montre ces raies en absorption, mais si on isole une raie et que l’on observe l’intérieur de cette raie, on voit la composante en émission de l’élément chimique. C’est le principe de l’observation monochromatique, on rejette toute la lumière, sauf celle d’une raie précise. Il y a différentes méthodes pour obtenir ce résultat, le spectrohéliographe, le filtre de Lyot, le filtre Fabry-Pérot ou encore le filtre interférentiel. Nous allons passer en revue chacun de ces principes et voir leur domaine d’utilisation.

C’est Jules Janssen qui a imaginé une méthode pour observer le Soleil en lumière monochromatique. Il a imaginé le spectrohélioscope vers 1870. Le principe est simple : On projette l’image donnée par l’objectif d’une lunette sur la fente d’un spectroscope visuel. Au foyer de l’oculaire du spectroscope, on place une fente fine centrée sur une raie du spectre, comme la raie Hα. En donnant au spectroscope un mouvement de va et vient de sorte que la fente d’entrée balaie la totalité du disque solaire, l’œil enregistre une image monochromatique de la chromosphère. En réalité, on ne voit que la raie d’émission qui se déplace dans le champ, mais la persistance rétinienne reconstitue l’image du disque entier. Cette méthode est assez empirique et n’a été que peu employée. Henri Deslandres, à la fin du dix-neuvième siècle s’est employé à construire un instrument beaucoup plus fiable, le spectrohéliographe.

Principe du spectrohéliographe

Le spectrohéliographe est un spectrographe placé au foyer d’une lunette astronomique. Dans la version argentique, il était muni d’une fente d’entrée très fine et d’une fente centrée sur une raie au foyer de l’objectif de chambre. En déplaçant l’instrument, ou simplement l’objectif comme à Meudon, l’image du Soleil balaie la fente d’entrée. Un mouvement synchrone de la plaque photographique permettait d’obtenir une image monochromatique du Soleil.

Le spectrohéliographe permet de faire des images dans différentes raies, il suffit de déplacer le réseau pour choisir la longueur d’onde. De plus, dans les ordres élevés, la résolution spectrale est très grande. On peut ainsi centrer avec précision la position de la fente de sortie dans le cœur de la raie. Aujourd’hui, c’est une caméra CCD qui a remplacé la plaque. On utilise une rangée de pixels que l’on vient centrer sur la raie. Les pixels enregistrent une succession de lignes monochromatiques et c’est le logiciel qui reconstitue l’image. Quelques amateurs ont réalisé des spectrohéliographes. Pour plus de détails sur ces appareils sophistiquées, on consultera le site de Philippe Rousselle ainsi que celui d’André et Sylvain Rondi.

Le Filtre polarisant de Lyot

Bien que ce type de filtre ne soit pas à la porté d’un astronome amateur, nous le citerons pour mémoire, car il est toujours utilisé dans de nombreux observatoires professionnels et dans certaines sondes spatiales.

Le principe du filtre polarisant a été énoncé par Bernard Lyot dès 1933, puis ses travaux ont été publiés entre 1941 et 1944. Ces filtres sont constitués par une série de lames cristallines à faces parallèles en quartz ou en spath dont les axes cristallographiques sont parallèles aux faces des lames et orientés dans le même sens. Les biréfringences des lames croissent suivant une progression géométrique de raison 2. Entre chaque lame, et aux deux extrémités, sont interposés des polariseurs. Les plans de polarisation, parallèles entre eux, sont orientés à 45° des axes cristallographiques.

Chaque lame biréfringente transmet un spectre cannelé, la plus épaisse produisant les cannelures les plus fines. La largeur de la lame détermine la sélectivité du filtre. Les autres lames, dont les épaisseurs décroissent, éliminent une cannelure sur deux en réduisant de moitié le nombre des bandes transmises par les précédentes. A la sortie de l’appareil, il ne reste que quelques fines cannelures dans le spectre. Un simple écran coloré permet de sélectionner la bonne cannelure.
Les longueurs d’onde isolées varient avec la température, à raison de 0.69 Å par degré pour le quartz et de 0.37 Å par degré pour le spath, dans le rouge.

La pile de lame est insérée dans un bloc en aluminium, très conducteur de chaleur, et couvert de bobinages chauffants sur toute sa longueur et enfin, le tout est inséré dans une enveloppe calorifuge. Un courant électrique permet de chauffer plus ou moins le dispositif qui est régulé par un thermostat très précis. En faisant varier la température, on modifie la position de la cannelure dans le spectre. Dès que l’on a correctement centré la bande passante, il faut maintenir la température avec une précision de l’ordre du centième de degré. En faisant varier la température, on peut déplacer la bande transmise sur une plage d’environ 40 Å. Ainsi le filtre de Lyot permet d’explorer la totalité du spectre en passant d’une cannelure à la suivante. Le filtre ne fonctionne correctement que pour des incidences normales, mais Lyot avait réussi à augmenter le champ de son filtre en jouant sur les propriétés de biréfringence des matériaux.

La Société Optique et Précision de Levallois avait construit au début des années 50 des filtres en petites séries qui permettaient d’observer les raies chromosphériques du Soleil à 6563 Å, 5875 Å, 5303 Å et 4861 Å. Certains de ces filtres sont toujours en service.

Les filtres interférentiels

Les filtres interférentiels sont beaucoup plus sélectifs que de simples verres colorés. Ils fonctionnent sur le principe de la cavité Fabry-Pérot.

On trouve dans le commerce des filtres à bande étroite centrés sur les raies Hα, K et D. Ces filtres ont des bandes passantes qui peuvent descendre à 0.4 Å mais fonctionnent en incidence quasi-normale. Dans la pratique il faut que le rapport d’ouverture de l’objectif soit au moins de 30. Il est souvent intéressant de placer le filtre dans un montage afocal, derrière un oculaire par exemple, et reprendre la pupille par un objectif. Ce dispositif permet d’utiliser la totalité de l’ouverture de la lunette. Les filtres Hα sont les plus répandus, ils existent avec des bandes de 1.5 Å à 0.4 Å. Les plus larges permettent d’observer les protubérances sur le limbe solaire mais aucune structure sur le disque. Comme ils laissent passer beaucoup de lumière du continu, on voit nettement l’épaisseur de la chromosphère. Il est aussi possible d’observer les fines spicules. Un tel filtre très économique est vendu sous la marque Thousand Oaks pour environ 1000$. Il est cependant assez délicat à régler.

Des filtres beaucoup plus sélectifs sont proposés dans le commerce par la firme Daystar. Ils sont régulés en température et permettent un travail de qualité professionnelle. Malheureusement, les prix de ces filtres les rendent hors de porté de la plupart des amateurs. La durée de vie d’un filtre n’est que de quelques années. En vieillissant, la bande passante dérive et après 5 à 10 ans, on ne peut plus centrer la raie.

Les filtres Fabry-Pérot

Lunette Coronado
Lunette de la marque Coronado qui est munie d’un dispositif de Fabry-Pérot pour voir la chromosphère du Soleil. Crédit Meade Ltd.

Depuis quelques années, la firme américaine Coronado (propriété de la société Meade) fabrique des filtres de type Fabry-Pérot pour l’observation du Soleil en Hα.

Le filtre repose sur le principe de l’interféromètre de Fabry-Pérot.
Il se compose de deux miroirs partiellement réfléchissants se faisant face. La lumière entre dans l’axe des miroirs. Le faisceau ne doit donc pas être convergent. C’est pour cette raison que le filtre est placé devant l’objectif de la lunette.

La lumière qui entre dans la cavité effectue de nombreux aller et retours et ressort partiellement à chaque réflexion. Les différents rayons lumineux sortants interfèrent entre eux. Il en résulte une figure d’interférences à ondes multiples constituée d’anneaux concentriques fins. La taille des anneaux concentriques varie en fonction de la distance entre les deux miroirs et de la longueur d’onde de la lumière. Seules quelques longueurs d’ondes sont transmises. Le dispositif donne ainsi un spectre cannelé. La finesse des anneaux, donc la sélectivité du filtre, varie avec le coefficient de réflexion des miroirs.
C’est sur ce principe qu’est construit le filtre Coronado. L’élément avant, que l’on fixe sur l’objectif est le Fabry-Pérot (FP), et au niveau de l’oculaire, on introduit un filtre interférentiel à bande passante de quelques angstrœms. L’inclinaison du FP permet de centrer la cannelure sur la raie Hα. Le FP est légèrement décalé vers le rouge à la construction. En modifiant l’inclinaison, on le centre vers l’aile bleue de la raie.

Le filtre a une bande passante de 0,7 Å. On peut la réduire en superposant deux éléments FP. Malheureusement, cette disposition est très absorbante et augmente le nombre de dioptres que doit traverser le faisceau au détriment de la régularité du front d’onde. L’élément arrière bloque les rayons Infra-Rouge et sélectionne un domaine spectral proche de la raie Hα. Ces filtres existent en différents diamètres, 40mm, 60mm et 90mm. Selon le diamètre, l’instrument aura plus ou moins de résolution angulaire. Un FP de 90mm coute le même prix qu’un excellent filtre interférentiel de qualité professionnelle, mais sa durée de vie est plus longue. Dans la pratique, on constate une dérive de la bande passante au cours de la journée, selon la hauteur du Soleil ou la pression atmosphérique. On doit donc régulièrement modifier l’inclinaison du FP. De plus, l’élément arrière est de petite dimension, ce qui limite beaucoup l’utilisation du système. Les prix de ces filtres varient entre 1300€ pour un 40mm et une sortie oculaire de 5mm, et plus de 7000€ pour un 90mm avec une sortie en 30mm.

Le Personnal Solar Telescope : La firme coronado commercialise un petit instrument complet de 40mm sous la désignation de PST (Personal Solar Telescope). C’est une petite lunette de 40mm qui intègre un FP dans le faisceau. Une lentille divergente redresse les rayons lumineux avant d’entrer dans le filtre, à la sortie du filtre, une autre lentille rétablit la convergence. L’oculaire est précédé des filtres de rejet. La mise au point se fait par le déplacement d’une équerre optique. Cet instrument est simple d’utilisation mais la réalisation mécanique est simplifiée à l’extrême. Le réglage du Fabry-Pérot se fait en tournant une bague moleté qui provoque une pression des miroirs sur une rondelle de mousse dure. En cas de chute de l’appareil, les éléments subissent des déformations et des décollages rédhibitoires. Cet appareil bon marché (environ 750€) doit être manipulé avec beaucoup de précautions. De plus, la lumière traverse un nombre considérable d’éléments optiques ce qui ne garantit pas une qualité d’image très grande. Il est impossible d’observer les spicules avec cet appareil.

Ce même constructeur propose aussi des lunettes de 40, 70 et 90mm centrées sur la raie K à 393.3nm. Elles sont équipées de filtres interférentiels. Ces instruments sont utilisables uniquement pour imagerie.

Imagerie en Hα

Région active en Hα.
Image réalisée avec une simple webcam et une lunette Coronado de 40 mm. Crédit LESIA - Régis Le Cocguen.

La commercialisation des filtres Coronado a largement contribué à populariser l’imagerie monochromatique du Soleil. Certains amateurs ont obtenu des images très spectaculaires. Dans la pratique, on constate avec certaines caméras l’apparition de franges dues à l’élément arrière du dispositif. Après de multiples expériences, nous avons réussi à obtenir des résultats intéressants en utilisant une webcam et en compositant de nombreuses images. Ce traitement permet d’améliorer considérablement le rapport signal sur bruit, donc le contraste sur les structures du disque.

Disposition des instruments solaires

En astronomie solaire on utilise des instruments de petites dimensions mais des analyseurs très grands. Ainsi, les spectrographes sont souvent beaucoup plus volumineux que les lunettes qu’ils équipent. Il est généralement préférable de disposer l’ensemble sur une grande table et d’alimenter l’objectif par un dispositif à miroirs. La disposition horizontale est historiquement la plus ancienne. La plupart des instruments professionnels reposent sur ce principe et de nombreux amateurs s’en sont inspirés.

Il existe deux systèmes de renvoi par miroir, le sidérostat et le cœlostat.

Le sidérostat utilise un seul miroir, il renvoie la lumière du Soleil vers le sud. Son avantage est la simplicité car il utilise un miroir unique mais son inconvénient réside en une rotation de l’image solaire au cours de la journée. Les sidérostats de Foucault ou de Silberman étaient des instruments d’une grande complexité mécanique mais on peut aujourd’hui réaliser un montage azimutal très simple piloté par un ordinateur.

Grand sidérostat de Foucault
à l’Observatoire de Meudon. Crédit Observatoire de Paris.

Le cœlostat est composé de deux miroirs. Le primaire, monté sur un axe équatorial renvoie la lumière solaire vers un secondaire monté sur un chariot mobile. La distance entre les deux miroirs varie selon la hauteur du Soleil dans le ciel. Une variante consiste à munir le primaire d’un axe de déclinaison ce qui permet de laisser le secondaire dans une position fixe. La double réflexion rétablit l’orientation de l’image. On utilise les cœlostats pour alimenter des instruments destinés à observer le Soleil entier, comme le spectrohéliographe de Meudon.

Coelostat
Observatoire de Meudon. Crédit LESIA.

La tour solaire collecte la lumière du Soleil à plusieurs dizaines de mètre de hauteur grâce à un cœlostat qui renvoie le faisceau dans un télescope vertical ou polaire. On est dans ce cas au dessus des couches d’air les plus turbulentes. Un amateur ne pourra bien sur pas construire une tour chez lui, mais il pourra tout de même essayer de placer son instrumentation dans la partie la moins turbulente de son jardin. Certains critères, comme la nature du sol ou la présence d’une cheminée dans le champ de vision détermineront le meilleur emplacement. Il faut faire une petite étude du site.

Spectroscopie solaire

La spectroscopie est une discipline particulièrement enrichissante et très ludique quand elle est pratiquée en amateur. Construire un spectrographe de qualité est aujourd’hui à la porté de tout un chacun. Les fournisseurs de matériel d’optique (Edmund) et de matériel pédagogique (Jeulin) proposent des réseaux de bonne qualité pour quelques dizaines d’euros. Un réseau par transmission en verre blazé sur le premier ordre coûte environ 25€ (Jeulin, 100, 300 ou 500Tr/mm) et un réseau par réflexion avoisine les 100€ chez Edmund. La fente du spectrographe peut être réalisée avec de simples lames de rasoir. L’objectif de collimation peut consister en un simple doublet récupéré sur une ancienne jumelle. Le spectre est ensuite photographié avec un appareil numérique muni de son objectif. On utilise ce spectrographe pour observer la lumière du Soleil que l’on renvoie par un miroir sur la fente mais on peut aussi construire un petit sidérostat et renvoyer le faisceau vers un objectif pour former une image du soleil sur la fente. Une construction soignée permet de voir l’élargissement des raies dans les taches solaires et l’émission de certaines raies dans la chromosphère.

Les relations amateurs/professionnels

La physique solaire est aujourd’hui très avancée, ce qui la rend hors de portée du public et même des amateurs d’astronomie. Un astronome amateur ne peut plus faire une observation "utile" dans son jardin avec une lunette de 10 cm, comme c’était le cas du temps de Camille Flammarion.

Toutefois, la disponibilité des amateurs et leurs grandes compétences dans les domaines de l’imagerie peuvent conduire des groupes motivés à entreprendre un travail considérable d’observations systématiques. Ce travail fastidieux est de plus en plus difficile à assurer dans les observatoires professionnels. La grande diffusion de filtres monochromatiques rend possible la surveillance des éruptions et des phénomènes chromosphériques par des clubs d’astronomie. Un exemple remarquable de collaboration entre amateurs et professionnels est le groupement des Observateurs Associés qui assure une surveillance quasi-quotidienne du Soleil au Pic du Midi en coronographie, et sur le disque en Hα ainsi que dans la raie K.
Un autre domaine est accessible aux astronomes amateurs, c’est la vulgarisation scientifique. Souvent les amateurs ont des connaissances encyclopédiques très étendues. A l’occasion d’événements comme les éclipses, les établissements publiques invitent les groupes d’amateurs éclairés, comme la Société Astronomique de France, à venir montrer le Soleil aux visiteurs. Certains amateurs viennent avec des instruments très performants parfaitement adaptés aux démonstrations en imagerie, mais également en spectroscopie.

Chasseurs d’éclipses

Une éclipse totale de Soleil est un phénomène rarissime mais extrêmement spectaculaire. Certains amateurs parcourent le monde régulièrement à la recherche de cet instant magique où la vie semble soudain s’arrêter. Des sociétés privées proposent des voyages organisés dans le seul but d’observer des éclipses totales. Cette spécialité passionnante est toutefois réservée aux plus fortunés.